Bad Blue Boys : l'histoire de l'un des groupes ultras les plus connus d'Europe
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Lire cet article sur :Contexte historique du club et naissance des Bad Blue Boys.
Le club du Dinamo Zagreb a été crée en 1945 par les communistes yougoslaves. Évoluant dans le championnat de Yougoslavie, en compagnie donc des différents états que composait ce pays, le club a gagné ce championnat à quatre reprises, bien loin des 19 titres du grand rival l’Étoile rouge de Belgrade. Cependant, dans les années 1960-70, l'arrivée des premiers mouvements ultras dans les tribunes italiennes va changer beaucoup de choses. Il faudra attendre l'année 1986 pour voir la naissance, dans le stade Maksimir de Zagreb du groupe ultras des Bad Blue Boys. Leur nom proviendrait du film Bad Boys avec Sean Penn sorti trois ans plus tôt. Le mot "blue" aurait été choisi en référence au groupe hooligans de Chelsea, club surnommé les Blues. Alors que l'histoire aurait pu s’arrêter là, en tant que groupe ultras non politisé, celle des BBB ne faisait que commencer.
Les Bad Blue Boys au stade Maksimir. (© X Croatian Football) |
Idéologie nationaliste et figure d'indépendance.
Au moment de la création du groupe, la mort du maréchal Tito, décédé six ans auparavant ayant ébranlé la Yougoslavie, des tendances indépendantistes ont commencé à germer dans plusieurs endroits comme en Croatie, Serbie et Albanie, qui bien qu'état indépendant, a vu sa politique être grandement influencée par l'ancien état yougoslave. Les BBB ont alors très rapidement commencé à adopter des discours anti-serbes. Ensuite, la politisation du stade va croitre davantage en 1989 quand sera créé par Franjo Tuđman, premier président de la Croatie indépendante, le parti nationaliste Union démocratique croate (HDZ). Le virage des BBB va tout de suite adhérer à Tudman et aux causes nationalistes, le damier croate, futur drapeau du pays arrivera dans les tribunes, figure de l'avancée du nationalisme et de l'identité croate.
Le match qui n'a jamais eu lieu.
En mai 1990, le Dinamo reçoit dans son stade son grand rival, l’Étoile Rouge de Belgrade. Cet affrontement entre les deux plus grandes équipes de Yougoslavie a fait venir plus de 4000 supporters de Belgrade, chantant depuis leur tribune : "Zagreb est serbe". Sans attendre, les supporters croates répondent en arrachant et en lançant des sièges vers les serbes, s'en suivent des affrontements pendant plus d'une heure, dans les tribunes et sur le terrain entre joueurs, supporters et services de police qui étaient bien plus acquis à la cause serbe. Durant ces affrontements, Zvonimir Boban, milieu de terrain croate de 21 ans à l'époque se fait remarquer en assénant un coup de genou à un policier yougoslave. Ce geste fait évidemment parler et est acclamé côté croate devenant le symbole du croate défiant l'autorité yougoslave. Le joueur, lui, devient un héros national. Des chercheurs et écrivains s'accordent d'ailleurs à dire que ce geste est la mort symbolique de la Yougoslavie : dix mois plus tard, la guerre de Croatie débutait.
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Zvonimir Boban assénant un coup de genou à un policier yougoslave pendant les affrontements. (Photo: EPA) |
Les Bad Blue Boys dans la guerre de Croatie et l'héritage laissé.
Entre 1991 et 1995 a eu lieu la Guerre de Croatie qui donnera lieu à l'indépendance du pays et beaucoup d'ultras des BBB y participèrent. Le logo du club du Dinamo Zagreb sera même présent sur le treillis de l'armée croate, symbole du lien existant la militarisation et ces supporters. Les membres du groupe qui mourront lors de cette guerre seront commémorés par le groupe, en témoigne cette stèle honorant la mémoire de ceux "tombés pour la Croatie".
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Stèle commémorant les BBB morts pendant la guerre de Croatie avec le logo du Dinamo en haut à gauche. (image : @LTregoures) |
Aujourd'hui, presque 30 ans après la fin de la Guerre, la Croatie est un état reconstruit et relativement prospère. Cependant, il y a toujours un héritage de cette guerre et de ces années 1990. Les personnes enfants au moment de la guerre voire celle qui sont nées vers la fin de cette décennie et qui n'ont pas connu ces moments alimentent toujours le nationalisme croate et anti-serbe dans une idée du "eux contre nous".
Les BBB aujourd'hui, un groupe qui fait toujours parler.
Dans les 2/3 dernières années, les BBB ont plusieurs fois fait parler d'eux. Début 2022, lorsque les forces russes ont envahi l'Ukraine, dans la continuité de la Guerre de Crimée, les ultras de Zagreb ont été les premiers a adopter des positions pro-ukrainiennes. Présence de nombreux drapeaux ukrainiens dans la tribune, messages de soutien et tifo aux couleurs jaune et bleu.
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Les BBB supportant l'Ukraine suite à l'invasion russe. (© Twitter B/R Football) |
C'est d'ailleurs l'une des seules fois où le groupe a fait parler de lui positivement dans le cadre du football. En septembre 2022, lors d'un match à Milan, au moins une centaine de membres du groupe se sont fait remarquer déambulant dans les rues italiennes effectuant des saluts fascistes. Plus grave encore, en Août 2023, les BBB, accompagnés de leurs alliés de la Gate 14 du Panathinaïkós sont arrivés à Athènes pour un match contre l'AEK Athènes. Malgré leur interdiction de se rendre en Grèce et les multiples avertissements fournis par les autorités croates, monténégrines et albanaises, 150 membres du groupe et des grecs du Panathinaïkós ont attaqué les supporters de l'AEK : conflit dans lequel Michalis Katsouris, 29 ans a perdu la vie, poignardé au bras. Au 22 décembre 2023, l'intégralité des 103 supporters arrêtés a été libérée, faute de pouvoir trouver celui qui a asséné le coup de couteau et une issue favorable de l'enquête semble aujourd'hui hautement improbable.
Cependant, en dehors du football, les Bad Blue Boys s'illustrent beaucoup d'un point de vue social. La solidarité envers leur communauté, notamment lors de moments de crises nationales est souvent moins médiatisée à l'international, mais tout aussi présente. L'un des exemples les plus marquants de cet engagement social a été leur rôle après le tremblement de terre de 2020 à Zagreb. Le 22 mars 2020, Zagreb, la capitale croate, a été frappée par un séisme de magnitude 5,5 sur l'échelle de Richter, causant des dégâts importants dans la ville et ses environs. C'était la secousse la plus forte depuis 140 ans. De nombreux bâtiments historiques ont été endommagés, des centaines de personnes se sont retrouvées sans abri, et plusieurs blessés ont été dénombrés. Les Bad Blue Boys ont réagi avec une rapidité et une efficacité impressionnantes. Dès les premières heures qui ont suivi le séisme, des dizaines de membres du groupe se sont mobilisés pour venir en aide aux sinistrés. Les Bad Blue Boys ont participé activement à l'organisation et à la distribution de l'aide humanitaire dans les quartiers les plus touchés de Zagreb. Ils ont mis en place des réseaux pour collecter et distribuer des denrées alimentaires, des vêtements et des produits de première nécessité aux familles ayant perdu leur domicile. Ils ont également aidé à dégager les décombres, à sécuriser certains bâtiments et à venir en aide aux personnes âgées ou isolées. Les images de ces ultras au grand cœur, travaillant main dans la main avec des pompiers et des secouristes, ont marqué les esprits et renforcé leur image de patriotes dévoués à la cause nationale, d'une manière similaire à ce que l'on voit aujourd'hui en Europe centrale, où des centaines d'ultras des clubs des différents pays touchés participent à la lutte contre les violentes inondations qui touchent actuellement cette région.
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Des membres des BBB aident les secours après le tremblement qui a touché Zagreb et ses environs le 22 mars 2020. (© Twitter Goodable) |
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